Le fantôme de Raspoutine ou celui de Trosky ? A peine suis-je rentré dans ce bar à vin sombre que je suis abordé par un révolutionnaire grand, pince et décharné, aux regard enfiévré. Petit bonnet de laine rouge (il fait froid à Berlin l'hiver), et barbe blonde de 10 jours, il tente de me vendre la gazette d'un parti communiste local. Je ne sais pas trop si c'est lui ou moi que nous sommes trompés de siècle, les deux peut-être. La serveuse me tutoie d'entrée de jeu, ce qui est inhabituel en Allemagne et m'oriente vers le coin le moins lumineux de son échoppe. On imagine que l'électricité est solaire et que le toit de cette Kneipe (échoppe) n'est pas assez vaste pour accomoder le nombre de panneaux solaires qui serait compatible avec un éclairage normal.
Le vin, lui aussi, est d'un autre temps puisque ce lieu ne propose que du vin nature, exempt d'additifs (intrants) et de sulfites (Naturewein auf Deutsch...).
Bienvenue au Jaja, l'un des uniques bar à vin nature de Berlin.
C'est mon jour de chance et je rencontre tout de suite Maximilien Baumann du domaine Maxseinwein issu du nord du Baden Wurtemberg, dans la région du Tauberfranken.
Il me fait déguster en premier un vin d'exception, "Le Blanc Nu" (et oui, en français dans le texte...), mélange de cépages locaux, Sylvaner, Müller-Thurgau, Gewurztraminer, etc. Arôme étonnants d'ananas, grande douceur, longueur en bouche, finale de mandarine, tout y est et je suis immédiatement sous le charme.
- N'est-ce pas difficile de faire du vin nature dans un climat froid et humide, lui demandais-je ?
- Non, bien au contraire. Max sourit. Le fait que les vignes soient sous la neige tout l'hiver et qu'il fasse plus frais permet d'avoir un moût dont le pH est plus bas. Et tout est affaire de pH n'est-ce pas ? Max se dit chanceux, il fait son vin dans une région idéale pour le vin nature !
- Mais alors combien êtes-vous en Allemagne ?
- Oh... au maximum une trentaine ! Et encore tous des jeunes... Max lui-même n'en est qu'à sa troisième cuvée et avoue exporter plus de 80% de sa production.
Max me sert un verre de "Le Blanc Nu II", sa deuxième cuvée qui est à dominante d'Ortega, un cépage assez nouveau qui imprime au vin une délicieuse minéralité et une longueur en bouche interminable. Ne pas tenir sa respiration en attendant que l'arôme s'estompe, on n'y survivrait pas.
- Les allemands sont incroyablement conservateurs, peste Max résigné. En effet, il n'y a que des jeunes autour de nous. Les quarantenaires allemands n'ont pas encore découvert le vin nature.
Les ombres de Lénine, Gorki et Bakounine reviennent nous hanter.
Bienvenue à Berlin la Rouge !
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