L'énergie du vin, c'est une question philosophique profonde et litigieuse.
Avant donc de l'aborder, replaçons les choses dans leur contexte. Nous avions réuni ce soir là trois vignerons jeunes et talentueux, spécialistes des vins naturels. L'occasion était festive, le temps chaud et orageux. En guise de repas, nous avions préparé quelques morceaux de wagyu (boeuf japonais) avec une petite salade. Et je venais d'ouvrir un vin naturel qui réussit très bien en Occitanie dans notre région et que les clients apprécient.
- Ça sent les sulfites, fit un de mes amis vignerons, avec une moue dubitative...
- 1 mg seulement, répondis-je, interpelée qu'une dose aussi infime soit quand même repérable (les vins natures ont droit à 40 mg/l de sulfites (vin blanc), et 30 pour les rouges, contre environ 5 fois plus pour les vins conventionnels).
- Alors si ce ne sont pas les sulfites, c'est que les vignes de ce domaine étaient stressées, renchérit le vigneron, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce vin.
- Ah bon ?
Qu'est-ce que mon ami voulait-il dire par stress de la vigne ? Etait-ce une métaphore ?
- C'est un 2013, fis-je dubitativement, le domaine en question était en pleine reconversion bio...
- Alors ne cherche pas plus loin, fit-il. La reconversion bio est un moment de stress intense pour les vignes, qui perdent du jour au lendemain leurs défenses chimiques, sans encore avoir eu le temps de développer leurs défenses naturelles.
J'étais bluffée par le fait qu'on puisse deviner ce genre de chose. Le vin aurait-il vraiment une vibration perceptible, une énergie propre qui transmettrait des informations émotionnelles comme le stress ? Certes j'avais lu La Vie Secrete des Arbres de Peter Wohlleben qui postule que les arbres ont une organisation sociale, des émotions et sont capables de résoudre des problèmes. J'avais vu le très beau documentaire L'Intelligence des Arbres tiré du même livre. J'avais entendu parler de géobiologie et de la controverse aigue entre les visions française (page wikipedia en français) et anglophone (page wikipedia en anglais) de la géobiologie. J'avais aussi lu quelques articles étranges de la Revue des Vins de France qui parlaient d'énergie du vin.
- "Sur quelques parcelles que j'ai converties au bio quand je les ai prises en fermage, les vignes ont été très stressées les premiers temps, renchérit mon ami. Il m'a fallu quelques années pour les rendre heureuses".
- "Mais comment est-ce que tu peux savoir que les vignes sont heureuses ou stressées, demandais-je ? Car s'il fallait maintenant se préoccuper du bonheur des vignes... !"
- "Comment dire... Mon ami vigneron s'empara de son verre et réfléchit... Ça se sent, finit-il par dire. On le sent, si un vin a de l'énergie, c'est comme s'il allait nous stimuler, nous réveiller... Il fit une pause. Et puis les vins qui n'ont pas d'énergie, c'est un peu comme s'ils allaient nous endormir... Nous fatiguer..."
Les gens autour de la table se sont regardés. Un peu médusés. Supercherie ? Balivernes ? Ou bien vibration repérable, que nous ne savions pas ressentir ?
Plus tard dans la soirée, après l'éclatement de l'orage, après quelques bourrasques de pluie horizontale sur fond de ciel jaune, nous avons fini par une bouteille de Bourgogne, un Beaune en vin nature. Ce vin rouge d'une intensité rare exhalait des arômes de clou de girofle et de fruits rouges entremêlés. Il me fit l'effet d'une gifle gustative, comme si l'on réveillait mes neurones en même temps que mes papilles.
Etait-ça l'énergie du vin ?
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